Par nos envoyés spéciaux – Les Jeux olympiques de Paris ont été un tourbillon de gloire et d’émotions pour l’équipe de France de tir à l’arc, médailles à la clé. Mais une fois les projecteurs éteints, le retour au quotidien peut ressembler à une descente en pente raide. Entre un nouveau statut à porter et un vide à combler, reprendre la compétition est tout sauf simple. À la veille de la première étape de la Coupe du monde, Lisa Barbelin, Thomas Chirault et Baptiste Addis se confient sur cette transition pas comme les autres.
Une flèche dans l’histoire, puis le silence
Samedi 3 août 2024, Lisa Barbelin a écrit une page d’histoire. Sa dernière flèche, un 10 parfait, lui a offert la première médaille olympique individuelle française en tir à l’arc, un bronze qui a fait chavirer le stade des Invalides. Dans les gradins, son compagnon Thomas Chirault, tout juste auréolé d’une médaille d’argent par équipes, n’a pas retenu une larme discrète. Quelques instants plus tard, leurs retrouvailles au cœur de ce lieu majestueux ont laissé couler bien plus d’émotions.
Mais après l’euphorie des JO à domicile, l’atterrissage a été rude. « J’ai fini les Jeux sur un nuage le 3 août, et jusqu’à octobre, je n’ai pas eu une seconde pour souffler, raconte Lisa, 24 ans, avec une sincérité désarmante. Entre les interviews, les interventions en entreprise et mes cours, c’était trop. J’étais épuisée, vidée. » La jeune femme avoue avoir mis du temps à digérer : « Cette médaille a tout changé dans ma tête. J’attendais trop de moi, et j’ai vite compris que c’était la pire façon d’avancer. Résultat ? Je me suis pris une claque. »
Laisser les lauriers au vestiaire
Reprendre la compétition en février, lors des championnats d’Europe en salle en Turquie, a été un calvaire. « Mes qualifications étaient catastrophiques, se souvient-elle. Je m’y prenais mal, l’angoisse montait, c’était insupportable. Je me suis juré de ne plus revivre ça. » Pourtant, elle a décroché une troisième place, un podium qui lui a servi de leçon. « Cette médaille olympique m’a offert énormément, mais il faut que je la range dans un coin de ma tête. Je dois repartir de zéro, sans me reposer sur mes lauriers. »
Thomas Chirault, son compagnon, a traversé cette période post-JO avec plus de sérénité, porté par leur complicité. Ensemble, ils ont repris leurs études à la Sorbonne – elle en licence de chimie, lui en master d’ingénierie des matériaux à Polytech. « On a jonglé avec un emploi du temps chargé entre les cours et la création de notre société pour gérer notre image, explique-t-il, 27 ans. On a vécu à cent à l’heure depuis l’été. » Pour lui, ce retour à la réalité a ses hauts et ses bas : « C’est un défi, mais pas insurmontable. On remet les pieds dans la vraie vie, tout ce qu’on avait mis de côté pendant l’année olympique revient d’un coup. Il faut juste retrouver un rythme. »
Voir le bon côté des choses
Thomas préfère regarder devant : « Pas besoin d’avoir peur de décevoir. Une médaille, ça ne veut pas dire qu’on en gagne à chaque fois. Le sport, c’est beaucoup d’échecs avant une poignée de victoires. On perdra encore, mais l’important, c’est d’en sortir plus fort. » Une philosophie qui l’aide à avancer, flèche après flèche.
Baptiste Addis, le plus jeune de l’équipe à 18 ans, a vécu ses Jeux avec une légèreté presque insolente. Médaillé d’argent par équipes avec Thomas et Jean-Charles Valladont, il garde un sourire éclatant en repensant à l’aventure. « J’ai tout savouré, du début à la fin : la cérémonie d’ouverture, l’arrivée au village le 20 juillet, ma dernière flèche le 4 août, jusqu’à la clôture. C’était magique, point ! » s’enthousiasme-t-il.
Le vide, puis la relance
Mais lui aussi a senti un creux après la fête. « Forcément, quand tu passes quinze jours dans cette bulle, le retour fait bizarre. J’ai pris une semaine de vacances avec des potes pour déconnecter, et ça m’a fait du bien. » Reprendre l’arc n’a pas été immédiat : « Il fallait retrouver une raison de m’entraîner. Si tu tires sans savoir pourquoi, tu perds vite l’envie. » Pour ce compétiteur dans l’âme, la flamme est revenue vite, avec de nouvelles ambitions. « Une médaille aux JO, c’est coché ! Mais je veux plus : une en individuel, et pourquoi pas plusieurs. C’est tous les quatre ans, c’est le Graal ! »
En 2028 à Los Angeles, Lisa, Thomas et Baptiste devraient être de retour, sauf surprise. Pour l’instant, ils se concentrent sur la saison outdoor qui démarre le 8 avril à Haines City, aux États-Unis. Leur prochain gros défi ? Les championnats du monde à Gwangju, en Corée du Sud, fin juin. Face à la nation reine du tir à l’arc, qui les a devancés à Paris, la bataille s’annonce rude. « Ce sera dur, ils jouent chez eux, devant leur public, au berceau de ce sport, sourit Baptiste. Mais justement, ça rendrait une victoire encore plus belle. »