Le rapport annuel de performance 2018 du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) fait état des contreperformances notées dans les chantiers universitaires au Sénégal.
L’Université Amadou Makhtar Mbow de Diamniadio (Uam) et l’université El Hadji Ibrahima Niasse du Sine-Saloum (Ussein) peinent à sortir de terre. Tout comme le retard noté dans la livraison de l’amphithéâtre de l’université Assane Seck de Ziguinchor (Uasz), des antennes délocalisées de Kolda (Uasz) et de Gueoul (Ugb) et autres chantiers de l’école polytechnique de Thiès (Ept), l’université Alioune Diop de Bambey (Uadb) et l’université de Thiès (Ut). Ce qui plombe la politique d’élargissement de la carte universitaire.
A l’occasion de la 6ème revue annuelle nationale du Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence (Paquet), un rapport annuel de performance de l’éducation supérieure a été présenté par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Mesri). En 2018, la population estudiantine est de 190 145, ainsi répartie : 36% des étudiants sont en première année, 21% en 2ème année, 18% en licence, 19% en master 1 et 2 et 6% en doctorat. Ces statistiques confirment que le Sénégal est loin de la norme internationale de 2% de la population pour le nombre d’étudiants, malgré la volonté des autorités d’élargir l’accès. Ce schéma du nombre d’étudiants au Sénégal par cycle, bien que dégradant, s’explique par deux problématiques majeures. Le système LMD (Licence-Master et Doctorant) est un schéma d’organisation des études universitaires tendant à favoriser l’accès de l’étudiant au monde du travail.
Autrement dit : chaque cycle est une porte de sortie. Or, la majeure partie de l’offre de formation des universités publiques sénégalaises n’est pas professionnelle. La professionnalisation des référentiels marche à pas feutrés. Les jeunes étudiants doivent «se contenter» de l’enseignement. Ils sont des milliers d’étudiants à déposer les concours de recrutement des élèves maitres des Crfpe ou élèves professeurs de la Fastef. D’où l’importance des instituts supérieurs professionnels (Isep), entre autres initiatives, pour offrir aux jeunes de s’insérer dans le milieu professionnel. Sur 190.145 étudiants, seuls 6% sont en troisième cycle, doctorat. Loin d’une lecture arithmétique, les statistiques mentionnées dans le rapport de performance laissent entrevoir la deuxième problématique : le taux d’encadrement dans nos universités publiques.
En 2018, le ministère de l’Enseignement supérieur compte le nombre du Personnel enseignant et recherche à 5756 dont 2218 permanents et 3538 vacataires. Le rapport annuel indique que le ratio d’encadrement calculé avec les Per permanents dans le public est de 1/56, loin de la norme Unesco. La loi portant sur la réforme des titres du personnel enseignant des universités – il faut retenir Assistants, Maîtres de Conférences et Professeurs – qui permet désormais aux enseignants de rang B d’encadrer au niveau master, sous la supervision des enseignants de rang A, est loin de combler la pénurie d’enseignants constatée dans les universités publiques. L’étude commanditée par le syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) au niveau du Laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales (Lartes-Ifan), fait état d’un départ de près de 500 enseignants d’ici 2025. Cette saignée risque d’impacter sérieusement sur l’encadrement des doctorants réservé exclusivement aux enseignants de rang A. En addition du problème de taux d’encadrement, s’y ajoutent le déficit de laboratoires pour les «thésards», surtout en science et le financement de la recherche. Sur ce dernier point, il a été toujours question pour les acteurs de trouver des mécanismes de financement. En effet, la recherche constitue le parent pauvre de l’enseignement supérieur.
En 2018, le nombre de chercheurs (enseignants chercheurs, chercheurs, doctorants et master 2 recherche) est de 22 185. Les personnels de recherche non enseignants comme les techniciens de laboratoire sont encore en nombre insuffisant, comparés aux chercheurs, par exemple, pour la totalité des universités publiques hors Ucad et Uasz, seuls 17 techniciens de laboratoire ont été recensés, lit-on dans le rapport annuel 2018 de performance. «Nous arrivons à faire de la recherche grâce à la coopération internationale ; à partir de ce moment-là, nous faisons de la recherche savante. Nous ne faisons pas une recherche qui impulse le développement socioéconomique», nous confiait Abdou Salam Sall, professeur de Chimie bio inorganique à l’Ucad.
CHANTIERS UNIVERSITAIRES : UN TAUX D’EXECUTION «NUL»
Alors que l’enseignement supérieur fait face à un déficit d’enseignants, malgré la mise en œuvre de la loi sur la réforme des titres, le gouvernement se cherche toujours sur la matérialisation des chantiers jusqu’ici engagés dont l’objectif est d’absorber le flux de nouveaux bacheliers qui frappent chaque année aux portes des universités publiques. Les dates de livraison ont été renvoyées aux calendes grecques.
L’Université Amadou Makhtar Mbow de Diamniadio (Uam) et l’université El Hadji Ibrahima Niasse du Sine-Saloum (Ussein) peinent à sortir de terre. Il faudra attendre pour l’élargissement de la carte universitaire, tout comme l’amphithéâtre de l’université Assane Seck de Ziguinchor (Uasz) et autres chantiers d’extension. Le rapport note que «les travaux de construction des nouvelles universités ont connu un retard important.
Pour l’UAM, le taux d’exécution physique est passé de 37.5% en 2017 à 47% en 2018 ; tandis que l’Ussein est à un taux d’exécution nul. Le marché a été cassé puis relancé ce qui suppose un réaménagement du calendrier d’exécution. Les antennes délocalisées de Kolda (Uasz) et de Géoul (Ugb) connaissent un retard sévère». Pour la construction des laboratoires, indique le rapport, «beaucoup de retards sont notés, liés à l’insuffisance de crédits». La grosse œuvre est terminée à l’Ucad, l’Ugb et l’Uasz.
A l’école polytechnique de Thiès (Ept), l’université Alioune Diop de Bambey (Uadb) et l’université de Thiès (Ut), le taux varie entre 35 et 50% de niveau d’exécution. «Les contreperformances notées dans le domaine de la construction sont liées à des raisons budgétaires, à la défaillance des entreprises, à la qualité des dossiers de projets, à des défaillances techniques dans le suivi, etc.», précise-t-on dans le rapport.
ENSEIGNEMENT PRIVE : 27 mille étudiants à la charge de l’état
Dans le rapport annuel de performance, il ressort que la population estudiantine dans les établissements supérieurs privés est de 66.864 étudiants dont 27.451 à la charge de l’Etat. Le ministère indique «sur 53 102 bacheliers se sont inscrits sur la plateforme campusen, 47 732 ont été orientés dans public et 14 504 dans le privé». Cette politique d’orientation pour tous, coûte des milliards à l’Etat du Sénégal. Le syndicat unitaire et démocratique des enseignants du Sénégal, section Enseignement supérieur et Recherche (Sudes/Esr) préconise un appel d’offre public. Les camarades de Oumar Dia, secrétaire général, considèrent que «c’est un marché public ; les mécanismes en vigueur pour attribuer les fonds publics doivent être respectés»