Le désormais ex directeur de la Caisse de dépôt et de consignation, Mr Aliou Sall a dans une récente sortie effectuer un acte peu commun pour un acteur politique de son rang afin de répondre à des accusations de corruption révélés par une enquête de la BBC intitulé un scandale à 10 milliards.
La main sur le coran, de blanc vêtu, il a balayé toutes les accusations de pléonexie envers sa personne au cours du mandat de son frère, président de la République, en jurant qu’elles étaient toutes fausses.
Non seulement, il a tenu à nier le virement de la somme de 250.000 dollars par Frank Timis en sa faveur par le biais de sa société Agritrans, mais aussi la possession d’action dans des sociétés pétrolières et de part au sein de la banque de Dakar.
Il a ensuite annoncé sa démission de la Caisse de dépôt et de consignation, surnommé la banque de l’Etat, poste qu’il occupait depuis Septembre 2017.
Une autre démission, près de cinq ans après celle de la branche Sénégalaise de Petro Tim Limited en Octobre 2014, une société appartenant à Frank Timis.
Pour un rappel des faits, dans le reportage de la BBC, il est d’abord question d’un email faisant état de taxe dû à l’Etat du Sénégal pour lequel Franck Timis aurait demandé un virement de 250.000 dollars destiné à un compte précis. Les fonds devaient provenir d’un compte offshore de la société Timis Corporation et seraient reçu par la société d’Aliou Sall Agritrans selon une trace bancaire datant du 6 Mai 2014. Cette même société Timis Corporation, se verra transférer en Août 2014, trois mois plus tard, 90 pour cent des parts des blocs pétroliers et gaziers acquis par PetroTim en 2012 par décret présidentielle.
Ce virement secret, qualifie de pot de vin dans le reportage, pourrait être perçu comme une forme de prime de motivation dans le cadre de l’acquisition de ces importantes concessions petro-gazières, qui de surcroît suscitaient beaucoup d’intérêt de la part d’une autre société pétrolière plus expérimenté, nommée Tullow Oil.
Interpelle sur le sujet dans une récente interview accordée à un site internet Dakarois, Aliou Sall disait je cite: “Ce que me reproche l’émission c’est d’avoir reçu un salaire de 25000 dollars et une prime de 250 000 dollars, c’est à dire 146 millions de Fcfa, c’est tout ce qu’on me reproche… même si je l’avais reçu, je n’aurais pas été en contradiction avec les lois Sénégalaise, tout travailleur bénéficiant d’un contrat, peut bénéficier d’une prime en cas de performance…je ne vois pas qu’elle est le problème de percevoir une prime pour un business qui a rapporté à son auteur … 6 mille milliards de dollars’. Aliou Sall a par la suite réaffirmé comme lors de sa conférence de presse, organisée quelques jours plutôt, qu’il n’a jamais reçu un tel virement. Sauf que cet argent qualifié de prime par le concerne est décrit comme le paiement d’une taxe destinée à l’Etat du Sénégal et son encaissement est illégal à plusieurs titre :
? D’abord Agritrans, société privée n’est en aucun cas habilité à recevoir des taxes destinées à l’Etat du Sénégal, qui lui reçoit ses taxes par le biais d’institutions publiques comme le trésor public.
? Deuxièmement, les opérations de recherches pétrolières à ce stade, n’étaient pas soumises au paiement de taxe selon le code pétrolier de 1998
De plus, L’existence d’un tel paiement pourraient remettre en cause la légalité des contrats signés par Timis corporation avec Kosmos Energy et BP au regard de plusieurs lois anti-corruption comme celle en vigueur dans les pays d’origine de ces multinationales, à savoir The International Anti-Bribery and Fair Competition Act of 1998 aux Etats Unis ou encore The Bribery Act 2010 en Angleterre.
Non sans comprendre la gravité de ces accusations, l’Etat du Sénégal, a, par le biais du chargé de communication de la présidence El Hamidou Kasse, tenu à donner sa version des faits sur la chaîne Française TV5.
Mr Kasse dans son argumentaire, a démenti Aliou Sall en affirmant détenir une information attestant l’existence du virement de 250 mille dollars pour “une mission privée de consultance agricole”.
Erreur de communication ou information, cette déclaration à susciter d’énorme controverses et d’indignation au sein de la société civile, de la classe politique Sénégalaise et même du côté du pouvoir conduisant au remplacement de ce dernier par un autre collaborateur du président.
Face à ce cafouillage sur le plan de la communication Étatique et l’émoi suscité par une telle accusation, Aliou Sall, a trouvé judicieux de jurer sur le coran, devant les caméras, pour laver son honneur.
Dans un pays laïc, bien que majoritairement musulman, cet acte a un caractère symbolique fort et impose au musulman une certaine forme d’adhésion ou du moins, le met dans une situation inconfortable. Continuer à accuser Aliou Sall pour le croyant, pourrait être synonyme de nier la force du serment coranique. Pour en saisir la teneur, Il suffit de lire les interventions de quelque prêcheurs et imams qui se sont prononcés sur le sujet.
Cependant dans une république laïque, la justice, reste l’espace par excellence de l’éclatement de la vérité surtout si l’affaire est en cours d’instruction. Et comme dit l’essayiste Canadien Paul Toupin “Si tous ceux qui font le serment de dire la vérité observaient leur serment, il n’y aurait plus de procès, plus d’avocat, plus de juge ; les palais de justice seraient déserts, car qu’est-ce qu’on viendrait y faire ?”.
Cependant, Mr Aliou Sall, a décidé de retirer sa plainte, annoncée quelque jour plus tôt contre la BBC, malgré la gravité des accusations de corruption, sous prétexte qu’une instruction judiciaire était en cours au Sénégal.
Ainsi, face à cette forte volonté de rétablissement de la vérité, quelques questions ou suggestions me viennent souvent à la tête, même si certains diront que cela relève de la compétence du procureur en charge de l’affaire :
-Pourquoi Mr Aliou Sall n’a pas préférer brandir les révèles bancaires de sa société Agritrans couvrant la période citée dans le reportage de la BBC puisqu’il s’agit d’un virement ?
S’agissant d’un compte appartenant à une société privée légalement enregistrée au Sénégal, soumis au paiement d’impôt et à une gestion transparente, il suffirait de flouter quelques informations privées du compte et laisser apparaître les opérations financières pour le mois de Mai 2014 par exemple.
– Quitte à vouloir se ‘blanchir’ en invoquant un élément de sa vie privée, à savoir la religion, pourquoi ne pas simplement fournir des documents provenant d’une société privée incriminée dans cet énorme scandale ?
– Qu’est ce qui serait alors plus convainquant pour les Sénégalais toute religion ou croyance confondue, un serment sur le livre sacré de l’Islam ou une preuve concrète de l’inexistence dudit virement ?
Bien que la presse ne soit pas un tribunal, je pense que Mr Sall gagnerait mieux aller au bout de sa logique en mettant à la disposition de celle-ci des éléments concrets de son innocence au lieu de l’entraîner ainsi que le Sénégal dans un acte qui pourrait devenir une dangereuse jurisprudence.