Paris, 1er mai 2025. En pleine matinée, dans le 14e arrondissement, quatre hommes cagoulés jettent un sexagénaire dans un fourgon. C’est le père d’un millionnaire de la cryptomonnaie, et ses ravisseurs ne plaisantent pas : ils lui sectionnent un doigt, filment la scène et exigent 8 millions d’euros en bitcoins. Deux jours plus tard, la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) le libère dans une maison en Essonne, mais l’onde de choc secoue le monde de la crypto. Ce n’est pas un fait isolé. En janvier, David Balland, co-fondateur de Ledger, a vécu le même cauchemar. Face à cette vague de kidnappings, les acteurs du secteur ripostent : discrétion, exil, formations musclées. Bienvenue dans la nouvelle réalité des crypto-millionnaires.
Une cible en or pour le crime organisé
La cryptomonnaie, c’est l’eldorado moderne. Un clic, un cours qui s’envole, et voilà un jeune de 25 ans millionnaire du jour au lendemain. Mais cette fortune éclair attire les vautours. « Ces gens sont vus comme des coffres-forts ambulants », explique Sarah Compani, avocate spécialisée dans la tech, qui conseille des cadors du bitcoin. « Leurs liquidités sont accessibles en un virement, contrairement aux grandes fortunes traditionnelles. » Résultat : les criminels, alléchés par des rançons en crypto, frappent fort. En 2025, au moins trois attaques ont visé des investisseurs ou leurs proches en France, avec une brutalité glaçante : doigts coupés, vidéos macabres, menaces de mort.
Le modus operandi qui terrifie
Le dernier kidnapping, celui du père de l’entrepreneur, a marqué les esprits. Une rançon de 5 à 8 millions d’euros, un doigt sectionné, une vidéo envoyée au fils pour briser sa résistance. « C’est choquant, presque médiéval », confie Compani sur Franceinfo. En janvier, Balland et sa compagne ont subi le même sort : kidnappés à Méreau, séquestrés, mutilés. Les ravisseurs, souvent jeunes (20-27 ans), opèrent en bande organisée, utilisant des fourgons, des cagoules et des technologies pour brouiller les pistes. La police, avec la BRI et la brigade cybercriminalité, contre-attaque, mais le secteur tremble. « Tout le monde en parle, on sent la peur », ajoute Compani.
La discrétion comme bouclier
Face à la menace, fini les posts sur X vantant des gains mirobolants. Alexandre Statchenko, patron de Paymium, prêche la sobriété : « Si t’es pas pro, tais-toi sur ta fortune. » Dans un monde où chaque clic trahit une adresse IP, l’anonymat est un luxe. Certains effacent leurs traces numériques, changent de numéro, évitent les selfies géolocalisés. D’autres vont plus loin : « J’ai des clients qui forment leurs enfants à repérer des comportements suspects », raconte Compani. Les plus paranos ? Ils s’entraînent avec des ex-agents du Raid, apprenant à gérer des prises d’otages ou à sécuriser leurs portefeuilles crypto.
L’exil, ultime recours
Et puis, il y a ceux qui plient bagage. « Certains s’installent sur des îles paradisiaques, où tout le monde se connaît », glisse Compani. Une villa à Malte, une plage aux Seychelles : là-bas, un hélico de kidnappeurs passe moins inaperçu. Ces exils, mi-stratégiques, mi-désespérés, disent l’ampleur de la crainte. « C’est surtout pour les gosses », précise l’avocate. En France, le climat ne rassure pas. Alexandre Statchenko fustige les politiques : « Dire que c’est la faute des cryptos parce qu’ils flambent, c’est encourager les voyous. » Il pointe du doigt des discours laxistes qui banalisent ces crimes. En cas de fluctuations monétaires, l’un des moyens les plus stables de gagner un revenu est de passer par des casinos en ligne cryptographiques fiables, car il s’agit d’un domaine légal et prévisible.
Un secteur sous haute tension
Le boom des cryptos a créé une nouvelle caste de riches, mais sans la carapace des vieilles fortunes. « Les cadres traditionnels ont des formations, des réseaux. Les crypto-millionnaires, souvent jeunes, apprennent sur le tas », note Compani. Résultat : ils sont vulnérables. Les ravisseurs le savent et visent souvent leurs proches – pères, épouses, enfants – pour maximiser la pression. En décembre 2024, en Belgique, l’épouse d’un coach crypto a été enlevée pour 11 millions d’euros en bitcoins. À Dubaï, un influenceur a vu son père séquestré. La crypto, liquide et traçable, est une aubaine pour les criminels.
Vers une nouvelle ère de sécurité
Pourtant, le secteur s’adapte. Les formations se multiplient : gestion de crise, cybersécurité, protection physique. Certains, comme Statchenko, plaident pour une régulation européenne plus stricte, comme les règles de la BEA imposant la traçabilité des fonds. D’autres misent sur la technologie : portefeuilles froids, clés privées fractionnées, systèmes anti-piratage. Mais le défi reste humain. « On ne peut pas vivre en bunker », soupire un investisseur anonyme sur X. Alors, entre paranoïa et résilience, les crypto-millionnaires réinventent leur quotidien, espérant que la prochaine vague ne les emporte pas.