L’Elysée estime que le président brésilien « a décidé de ne pas respecter ses engagements climatiques ni de s’engager en matière de biodiversité ».
Le président français Emmanuel Macron estime que son homologue brésilien Jair Bolsonaro a « menti » sur ses engagements en faveur de l’environnement et a annoncé, vendredi 23 août, que, dans ces conditions, la France s’opposait à l’accord commercial controversé entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay), a fait savoir la présidence vendredi 23 août.
« Compte tenu de l’attitude du Brésil ces dernières semaines, le président de la République ne peut que constater que le président Bolsonaro lui a menti lors du sommet [du G20 en juin, NDLR]d’Osaka », a déclaré l’Elysée, estimant que « le président Bolsonaro a décidé de ne pas respecter ses engagements climatiques ni de s’engager en matière de biodiversité ». « Dans ces conditions, la France s’oppose à l’accord Mercosur en l’état », poursuit la présidence française.
Les feux de forêt qui se propagent rapidement en Amazonie sont en train de devenir un sujet diplomatique majeur aux multiples répercussions internationales, tandis que se multiplient les appels à sauver le « poumon de la planète ».
– Lamento que o presidente Macron busque instrumentalizar uma questão interna do Brasil e de outros países amazônicos p/ ganhos políticos pessoais. O tom sensacionalista com que se refere à Amazônia (apelando até p/ fotos falsas) não contribui em nada para a solução do problema.
— Jair M. Bolsonaro (@jairbolsonaro) August 22, 2019
« Crise internationale »
Emmanuel Macron s’était alarmé jeudi, sur Twitter, des feux qui ravagent la plus vaste forêt tropicale de la planète, parlant de « crise internationale » et donnant rendez-vous aux pays industrialisés du G7, qui s’ouvre samedi 24 août à Biarritz « pour parler de cette urgence ».
La chancelière allemande Angela Merkel ainsi que le Premier ministre canadien Justin Trudeau, deux des membres du G7, ont également jugé impératif de parler de ces incendies massifs pendant la réunion de Biarritz.
Le président brésilien a accusé en retour son homologue français de vouloir « instrumentaliser » le sujet « pour des gains politiques personnels ». « La suggestion du président français selon laquelle les affaires amazoniennes soient discutées au [sommet du] G7 sans la participation de la région évoque une mentalité colonialiste dépassée au XXIe siècle », a également tweeté Jair Bolsonaro, un climato-sceptique.
Un accord très critiqué par le secteur agricole et les écologistes
Le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, alliance commerciale regroupant quatre des économies les plus puissantes d’Amérique latine (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), a été signé fin juin, après vingt ans de tractations. La France avait conditionné sa validation au respect par le Brésil de certains engagements environnementaux qui avaient été notamment discutés pendant le sommet du G20 d’Osaka (Japon).
L’accord, qui pourrait concerner 770 millions de personnes et un quart du PIB mondial, prévoit d’éliminer à terme 91 % des droits de douane imposés par le Mercosur sur les produits européens, ce que la Commission européenne évalue en valeur à 4 milliards d’euros. A l’inverse, l’UE supprimera de son côté 92 % des taxes actuellement appliquées sur les biens sud-américains qui arrivent sur son sol.
Ainsi, le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay ouvrent grand leurs portes à l’industrie européenne, tout particulièrement ses voitures, mais aussi sa chimie ou ses produits pharmaceutiques, ainsi que ses marchés publics. En échange, l’UE a consenti à de lourdes contreparties dans le secteur agricole : elle ouvre son marché aux produits sud-américains – sa concession la plus lourde – par le biais de quotas : 99 000 tonnes de bœuf par an à taux préférentiel (7,5 %), un quota supplémentaire de 180 000 tonnes pour le sucre et un autre de 100 000 tonnes pour les volailles.
Ce point effraie particulièrement les agriculteurs français et la plupart des syndicats agricoles européens. Lourdement dépendants des subventions européennes, organisés en exploitations familiales extensives au revenu très bas (entre 10.000 et 12.000 euros en moyenne en 2018, selon la Fédération nationale bovine), les éleveurs français estiment qu’ils ne parviendront pas à concurrencer les « usines à viande » latino-américaines.
« Inacceptable signature d’un accord Mercosur-UE qui va exposer les agriculteurs européens à une concurrence déloyale et les consommateurs à une tromperie totale », avait ainsi réagi Christiane Lambert, la patronne du premier syndicat agricole français FNSEA, à l’annonce de la signature de l’accord.