L’OMS comptait vendredi moins de 800 cas diagnostiqués en Afrique (aujourd’hui 930) mais ne cachait pas son inquiétude sur ce qui pourrait devenir un défi majeur pour des pays ayant pour certains des systèmes de santé précaires.
A ce jour, sur plus de 234 000 cas de Covid-19 diagnostiqués dans le monde, l’Afrique en comptait moins d’un millier, selon l’OMS, qui prend toutefois le problème très au sérieux, et a multiplié les mises en garde ces derniers jours.
Dans un communiqué publié jeudi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) écrit : «Plus de 600 cas de Covid-19 ont été confirmés dans 34 pays d’Afrique au 19 mars, contre 147 cas il y a une semaine.» Un total qui est passé à 769 vendredi. Si le chiffre est encore faible en valeur absolue, sa dynamique inquiète, et l’OMS insiste sur la nécessité que «les gouvernements empêchent la transmission locale d’évoluer vers le pire des scénarios de transmission communautaire durable et généralisée». Un scénario qui serait «un défi majeur pour les pays dont les systèmes de santé sont faibles». Un message d’alerte également scandé par le directeur général de l’organisation, Tedros Adhanom Ghebreyesus, originaire d’Ethiopie : «L’Afrique doit se réveiller, mon continent doit se réveiller.»
Messages radio et spots télévisés
A ce jour, les trois pays les plus touchés sont l’Egypte, l’Afrique du Sud, et l’Algérie, les trois pays qu’une étude du Lancet publiée le 19 février avait identifiés comme les plus susceptibles d’importer le virus sur leur territoire (mais aussi les plus outillés pour y faire face). Mais des foyers de contagion se développent actuellement dans plusieurs pays. «Douze pays de la région africaine connaissent actuellement une transmission locale», note l’OMS.
L’ensemble des pays de la région ont été encouragés par l’OMS a intensifier les tests, isoler les cas détectés et suivre méticuleusement les cas contacts. Des kits de test Covid-19 ont été fournis, et des techniciens de laboratoire ont été formés. Selon l’OMS, «45 pays africains peuvent désormais tester le Covid-19». «Des équipements de protection individuelle ont également été expédiés dans 24 pays et une deuxième expédition est en cours de préparation pour les pays dont les cas sont confirmés.»
210🇪🇬EGY
150🇿🇦ZAF
83🇩🇿DZA
61🇲🇦MAR
40🇧🇫BFA
39🇹🇳TUN
47🇸🇳SEN
15🇨🇲CMR
14🇨🇩COD
12🇳🇬NGA
11🇬🇭GHA
11🇷🇼RWA
9🇨🇮CIV
9🇪🇹ETH
9🇹🇬TGO
7🇰🇪KEN
7🇲🇺MUS
6🇸🇨SYC
6🇹🇿TZA
4🇬🇶GNQ
3🇨🇬COG
3🇬🇦GAB
3🇳🇦NAM
2🇧🇯BEN
2🇬🇳GIN
2🇱🇷LBR
2🇲🇷MTR
2🇿🇲ZMB
1🇨🇫CAF
1🇬🇲GMB
1🇸🇿SWZ
1🇸🇩SDN
1🇹🇩TCD https://t.co/FKav40Cbdd#COVID19 pic.twitter.com/nXVJwuMfXb— WHO African Region (@WHOAFRO) March 20, 2020
Afin d’informer les populations des gestes préventifs, l’OMS entend aussi aider les autorités locales à créer des messages radio et des spots télévisés pour informer le public des risques de Covid-19 et des mesures à prendre. Tout en essayant de lutter contre la propagation de rumeurs, qui peuvent compliquer la lutte contre l’épidémie.
La propagation de l’épidémie en Afrique, encore limitée pour l’heure, demeure une inconnue. Dans une précédente réponse sur CheckNews, Pierre-Marie Girard, directeur international des instituts Pasteur dans le monde le climat invoquait comme possible raison à la faible propagation du virus sur le continent un facteur climatique et saisonnier. «Il est un encore un peu tôt pour être affirmatif, mais on ne constate pas, pour l’instant, d’explosion épidémique du virus dans les pays où c’est actuellement l’été. Et notamment dans les pays chauds, comme l’Asie du Sud-Est ou l’Afrique subsaharienne.» Mais s’il existe, ce facteur climatique pourrait alors jouer dans l’autre sens. L’hiver africain, attendu dans quelques mois, pourrait favoriser une hausse des contaminations.
Fermetures d’écoles et confinement
L’OMS pointe aussi, parmi les facteurs d’incertitude, la question du lien entre l’âge et le virus, et la démographie du continent africain, très différente de la Chine, de l’Europe et des Etats-Unis. «L’Afrique a la population la plus jeune du monde et il semble que les personnes âgées soient plus vulnérables au Covid-19.» A l’inverse, l’Organisation mondiale de la santé note que des premières études suggèrent que les personnes atteintes d’affections sous-jacentes sont plus à risque face au Covid-19. «Or l’Afrique compte près de 26 millions de personnes vivant avec le VIH, alors que près de 60 millions d’enfants ont ralenti leur croissance en raison de la malnutrition. Il est donc possible que les jeunes soient plus à risque en Afrique que dans d’autres parties du monde.» Le sous-équipement médical de la grande majorité des pays est un autre motif d’inquiétudes, dans l’hypothèse d’une hausse du nombre de cas, notamment concernant les respirateurs artificiels.
L’expérience de l’épidémie d’Ebola entre 2013 et 2016 pourrait en revanche aider à la mobilisation contre le virus, comme l’expliquait la correspondante de Libération au Sénégal, pays d’Afrique de l’Ouest le plus touché par l’épidémie (38 cas au 20 mars). «L’Afrique de l’Ouest a appris durement l’importance de la réponse pour arrêter la chaîne de transmission d’un virus.» Le Sénégal a ainsi fermé ses écoles, son espace aérien, et annulé des festivités religieuses. La Mauritanie ou la Gambie ont aussi appliqué des règles très strictes (fermeture des écoles et des frontières) dès l’apparition des tout premiers cas. Des strictes mesures de confinement ont été prises en Tunisie, ou au Maroc, qui a décrété l’état d’urgence sanitaire.