Lors de son audition au Congrès, Gina Haspel devrait retrouver une figure familière, celle de Dianne Feinstein, sénatrice démocrate de Californie. Cette dernière, pilier de la commission du renseignement de la haute assemblée, qu’elle a présidée de 2006 jusqu’à la perte de contrôle du Sénat par les démocrates en janvier 2015, est à l’origine d’un rapport remarqué, publié en décembre 2014, consacré à cette page particulièrement sombre du renseignement américain.
En 2007, selon le Washington Post, la commission avait été alertée par la destruction de documents sur des interrogatoires, en Thaïlande, au cours desquels la technique du waterboarding (« simulacre de noyade ») avait été utilisée. La même année, le New York Times avait publié des détails embarrassants, comme les 83 waterboardings infligés au même prisonnier en un mois. La responsable de la prison secrète où cette forme de torture avait été pratiquée de 2003 à 2005 n’était autre que Gina Haspel. Elle n’avait cependant pas été à l’origine de l’ordre de destruction de vidéos tournées lors de ces interrogatoires.
Un long travail d’enquête, sans cesse contrarié par la CIA
Grâce à l’élection de Barack Obama, en 2008, Dianne Feinstein avait pu se lancer dans un long travail d’enquête, sans cesse contrarié par la CIA. Celui-ci avait permis de détailler, notamment, le sort réservé à deux djihadistes saoudiens, Abou Zoubaydah et Abd Al-Rahim Al-Nashiri, dans une prison installée en Thaïlande afin d’échapper aux contraintes juridiques américaines. Al-Nashiri était considéré comme le cerveau des attentats contre le croiseur américain USS Cole, en 2000, puis contre le pétrolier Limburg en 2002.
« A aucun moment les techniques d’interrogatoire renforcées de la CIA n’ont permis de recueillir des renseignements relatifs à des menaces imminentes, tels que des informations concernant d’hypothétiques “bombes à retardement”, à propos desquelles beaucoup estimaient qu’elles justifiaient ces techniques », avait assuré Dianne Feinstein lorsqu’elle avait présenté un volumineux rapport dont l’essentiel était resté classifié et qui avait été vivement attaqué par les élus républicains.
L’étroite majorité d’une voix dont dispose le Parti républicain au Sénat limite les marges de manœuvres de Gina Haspel. Elle a pu, malgré tout, se satisfaire de la réaction positive de la sénatrice de Californie, qu’elle a rencontrée depuis la publication du rapport et qui a loué son professionnalisme. D’autres élus démocrates se sont montrés en revanche plus circonspects.
Trump : « La torture, ça marche »
Le passé controversé de cette experte du renseignement n’a pas embarrassé Donald Trump, qui a assuré lors de la campagne présidentielle que « la torture, ça marche », avant d’être en apparence convaincu du contraire par son actuel secrétaire à la défense, James Mattis.
Mike Pompeo, alors élu du Kansas à la Chambre des représentants, a soutenu, par le passé, que le waterboarding était une technique d’interrogatoire légale. Il avait réagi à la publication du rapport en 2014 en assurant qu’il avait mis « des vies américaines en danger ». Il avait ajouté que « les agents de renseignement dont les actes ont été examinés étaient des héros ». La qualification valait évidemment pour Gina Haspel qu’il avait ensuite choisie comme adjointe une fois nommé directeur de la CIA. Après ses années dans l’ombre, la voilà désormais en pleine lumière.
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