
L’ancien président, chassé du pouvoir en 2017, est mort à 95 ans, vendredi, à Singapour.
La fin aura été interminable, amère, solitaire. Sa conclusion devait le navrer. Il a fallu que Robert Mugabe vienne s’éteindre, vendredi 6 septembre, à Singapour, loin du Zimbabwe qu’il a dirigé trente-sept ans, loin de ce pays qu’il a façonné, élevé et abîmé, au point du reste qu’il ne s’y trouvait plus un hôpital où il aurait pu voir soignés les maux de son grand âge. Il avait 95 ans, pensait encore récemment fêter son centenaire à la tête de ce pays. C’était avant d’être renversé, en novembre 2017, par d’anciens proches. Robert Mugabe s’est éteint dans une chambre d’hôpital singapourienne qu’il n’avait plus quittée depuis le mois de mai, inconsolable d’avoir été chassé du pouvoir. Son dernier geste, en août, avait été de faire savoir qu’il se refusait à ce qu’on l’inhume à Heroes Acre, la grande nécropole des héros de la lutte de libération à la sortie de Harare, la capitale zimbabwéenne. Une tombe l’y attendait pourtant, tout comme un peuple qu’il a profondément marqué.
En le chassant du pouvoir, on lui avait retiré tous ses pouvoirs, et c’était déjà l’enterrer. Toute sa vie, il avait refusé de quitter la selle d’un destrier vengeur. Incapable d’enlever les éperons, de mettre l’épée au fourreau. En quête de victoires ou de combats ? On ne savait plus. Et quelle était au juste la nature de l’étrange énergie qui semblait brûler en lui, qui irradiait dans ses éclats de rire saisissants et à laquelle on pouvait se chauffer, juste avant de se brûler.
De tous les géants de sa génération, Robert Mugabe aura été le dernier à quitter cette terre d’Afrique à laquelle ils avaient, tous, tant donné. Enterré dans la ferveur, Nelson Mandela, idole de la planète ; mis au tombeau dans une émotion délirante, l’ancien président tanzanien Julius Nyerere, petit père des peuples anti-impérialistes. Et tant d’autres encore. Adulés, admirés. Erreurs pardonnées. Aimés, en somme. Incarnant encore mieux, par-delà la mort, leur œuvre pour la liberté de l’Afrique. Aucun de ces pères des nations n’avait été tué par leurs enfants.